Troisième article de la série consacrée aux derniers championnats de France à Canet-en-Roussillon : le grand chauve s’exprime.


Samedi 25 juin. Elle va être un peu plus chargée que la veille, cette journée pour moi. C’est pas difficile vu qu’à cause de mon muscle abducteur droit abîmé, j’ai déclaré forfait pour le 100 m brasse, ma seule course du vendredi. Pour un premier engagement dans cette nage aux championnats, c’est une réussite.

Cependant le 100 m NL du jour qui m’attend n’est pas une priorité. Les priorités c’était le 200 NL et assurer le relais 4N. Dans les deux cas le contrat est rempli, donc je suis assez décontracté pour la suite.

IMG_5475_1.jpgC’est d’abord Grams qui s’y colle le matin avec le 200 m papillon. Cette fois on est à l’heure à la piscine pour voir la course (la veille j’étais en train de garer la voiture pendant que Gol nageait son 100 m papillon, monsieur Russo s’était échappé du véhicule juste à temps pour voir la course). On n’attend pas de grosse surprise, ça devrait rouler. Sa prestation sur le 400 4N le jeudi a tout dit sur son très bon état de forme. Il nage un 200 pap impeccable, et s’adjuge le titre à seulement une seconde de son chrono de Kazan, malgré Pierre Rabat de Millau qui revient fort. Ça roule, le compteur de médailles tourne et le chrono est très bon. Mais ça manque un peu de piment. Sur ce coup-là il reste dans ses rails, le Grams. Faites ce que je dis, pas ce que je fais.

Y’en a un qui pour une fois en sort de ses rails. C’est Nicolas Granger. Le vieux C5 surhumain (l’année prochaine il est en C6 comme moi). Pour ceux qui ne sauraient pas ce que c’est, il fait une magnifique démonstration de craquage sur les derniers 15 mètres d’un 200 pap, les bras en bois, le mur qui recule, et tout ce qui va avec (29″, 34″, 36″, 41″, au total 2’20 » tout de même). Tant qu’on y est à parler des autres, notre ami-voisin Marc Chalansonnet se fait plaisir en remportant l’épreuve en catégorie C6 avec une belle course en 2’26 », en embuscade derrière celui qui sera second, qu’il double sur la fin pour toucher premier. Marc dit qu’il n’arrive pas à nager le 200 m NL, et qu’il est plus à l’aise sur le 200 pap. Étonnant non ? En tout cas ça m’arrange.

Pas de 200 papillon pour Gol cette année, son objectif étant le 100 m NL de l’après-midi. Au fait, ne dites pas que je l’appelle Gol, il n’aime pas qu’on l’appelle comme ça.
IMG_5552_1.jpgPas de 200 pap donc, mais un 50 m dos de derrière les fagots. L’année dernière à Chalon (championnats dont on se souviendra longtemps !), il avait lancé le relais 4N en dos, et s’était rendu compte comme ça en passant qu’il pouvait être champion de France. Donc il le nage cette année, et en 29″11 il l’emporte. Ça fait 3 centièmes de plus que jeudi au relais. La reproductibilité de notre organisme m’étonnera toujours. Deux 50 m dos nagés le même WE dans des conditions similaires, les chronos ne diffèrent que de 3 centièmes. Reste plus qu’à nager droit et il peut nager 28″. Et un titre en plus dans la musette. L’année passée il était revenu avec que des médailles d’argent, mais cette année il a pas envie de refaire le Poulidor, et il est bien parti pour revenir avec 5 titres individuels.

IMG_7714_1.jpgCe matin, deux autres jeunes nous ont rejoints : c’est Robin et Jérémy Gotto. Ce dernier s’est engagé sur le 50 m dos, son ex-spécialité. Je dis ex- parce qu’il ne nage plus du tout. Mais il était au rendez-vous cet hiver pour nous filer un coup de main aux interclubs des maîtres, donc on est contents qu’il soit là. Il nage sans prétention, pour participer. Mais le sport c’est impitoyable. Si tu ne t’entraînes pas, tu paies l’addition. Jérémy, qui était un excellent nageur de dos, mais mauvais en départ et en coulée … se lance dans une coulée interminable et totalement inefficace. Louis, qui n’est pourtant pas méchant, est mort de rire. « Oh le drame » qu’il s’exclame pendant que Jérémy se tortille sur place 30 cm sous la surface, alors que les autres nageurs prennent le large. Ouf ça y est, il arrête la farce et se met à nager. Là on retrouve le Gotto et il fait un très bon parcours, même si, absence d’entraînement oblige, la fin est très difficile.
A sa sortie de l’eau il vient nous voir en souriant :

— Vous avez vu, j’ai fait une longue coulée.

— Ah ça oui, elle était longue ta coulée !

Hilarité générale.

Échauffement pendant la pause de midi, puis ça y est c’est le 100 libre.  » La course reine, ça sent la testostérone, les fauves sont lâchés, il a pris le record du monde, il l’a brisé et il a jeté les morceaux aux quatre coins du bassin, n’est-ce pas mon cher Michel  » … etc … etc … Tiens au fait, il est là le Michel Rousseau, il se promène autour du bassin. Personne ne fait attention à lui, je ne sais pas si ça lui fait bizarre. Il est quand même pas si vieux que même les maîtres ne le connaissent plus ! Peut-être que la longue carrière de commentateur à la télé, forcément un peu vilipendé comme tous les commentateurs sportifs, a effacé l’admiration pour le vice-champion du monde du 100 m NL qu’il fut à une époque où le sprint français ne dominait pas comme aujourd’hui. C’est bête, j’aurais dû lui demander un autographe pour le livre d’Or.

IMG_7723_1.jpgBon c’est à moi de nager ce 100 m. L’année passée j’avais nagé 1’03″14 en en gardant un peu sous le pied sur la fin car c’était juste avant notre relais 4N. Donc là je devrais arriver à nager en 1’02 ». Sans trop m’en rendre compte je pars nettement plus vite que l’année dernière, et conséquemment le retour est nettement moins facile … Impression d’être raide, de nager comme un robot. Ça fait 1’03″09. Là aussi c’est très reproductible. Ce que tu gagnes à l’aller tu le perds au retour, et réciproquement.

IMG_5905_1.jpgBon c’est à Gol. Là tous les Saint-Égrévois sont attentifs. C’est sûrement LA course de la journée. Il a nagé 53″68 en petit bac à Epinal en foirant complètement son dernier virage-coulée, il vise le record de France (54″72) qu’un nageur de Roubaix, Yves Denis, vient d’améliorer à Londres. On le voit un peu stressé sur la plage de départ, j’explique à Jérémy que c’est son objectif de l’année. Meurant s’élance, le premier 50 m me semble bien nagé et en puissance, mais je m’inquiète un peu pour le record, il me semble que d’habitude Olivier engage plus dès le début sur cette course. Je fais part de mon inquiétude à Jérémy, n’est-il pas parti un peu prudemment ? Mais la relance après le virage efface mes craintes. Là ça envoie, il fait un excellent retour et s’essaye même à nager les bras tendus sur les derniers mètres. Avant que j’aie le temps de lever les yeux vers le tableau d’affichage, le cri de joie que pousse Grams (là il assertive) m’informe que c’est bon.

IMG_7733_1.jpgNotre Olivier, qui nous avait annoncé que suite à sa mutation professionnelle il ne nagerait plus beaucoup (mais qu’on a l’impression de n’avoir jamais autant vu à l’entraînement !), dont les dernières semaines de préparation ont été perturbées par plusieurs déplacements, qui touchait le fond tout seul dans son grand bassin à Mulhouse avec une bronchite, en s’essayant à faire des cassés catastrophiques (1’05 » au 100 libre !!! 1’12 » au 100 pap !!!), notre Olivier qui n’a jamais autant gémi à l’entraînement, autant douté sur l’existence et le cours de sa vie personnelle que cette année, hé bien cet Olivier-là réalise son rêve de la saison : devenir recordman de France (en 54″54) et entrer dans les tablettes de la fédé. C’est beau. On ne lui en veut plus de parfois être dur dans ses sarcasmes, et de nous avoir menacés tout le WE de partir chez sa mère. Je lui pardonne même d’avoir réduit mon maillot fétiche en lambeaux. Ce Gol, on a beau essayer de se retenir, on a du mal à ne pas l’admirer un petit peu.

IMG_5990_2.jpgBon allez on enchaîne, pas de sensiblerie, le rustaud doit maintenant nager un 200 m brasse. Après ce qu’il a expliqué dans son article, on n’attend pas une grosse performance. Mais je suis confiant, même avec un chrono pourri il nous fera moins chier qu’à Angers. Ce qui était logique se produit. Une très bonne vitesse de base sur 50 m ça suffit pas. Un 200 m brasse c’est long, c’est très long, et sans l’entraînement adéquat, pas de miracle. Passage en 1’24 », touche en 2’59 ». C’est conforme au 100 m de la veille et à l’état de forme général. Pas grand’chose à dire donc, sauf qu’on espère qu’il se fera plaisir le lendemain sur le 200 4N, sa toute nouvelle spé. C’est aussi un 200, mais l’alternance des nages ça peut aider à pallier le manque de forme.

IMG_5623_1.jpgEt maintenant mesdames et messieurs, c’est le moment de la grande première ! Les vieux de l’USSE vont-ils entrer dans l’histoire (de l’USSE, on fait ce qu’on peut) en médaillant un second relais ? Pas sûr. Même si la troisième place est possible sur le papier, c’est pas gagné. Quand je dis les vieux, en fait pour ce relais on a rajeuni sacrément l’effectif : à part le vieux Gol et le très vieux Grams, on aligne Robin (pas vraiment sprinteur ni hyper entraîné cette année, mais ça le fera quand même) et, pour entrer dans l’histoire, un historien en la personne de Louis, notre sprinteur pas du tout entraîné mais que les médecins viennent « d’autoriser » à reprendre le sport de compétition ! Dit comme ça, ça fait carrément équipe de bras cassés, surtout quand on voit leur bronzage, mais méfions-nous des apparences.

IMG_6095_1.jpgOn leur met la pression, z’ont intérêt à ramener une médaille. En plus il y a une rivalité avec l’équipe du NC ALp38 dans la ligne d’à côté, ça a pas mal chambré à ce sujet. Sur la plage de départ, le jovial et décontracté Robin a l’air très concentré.

IMG_6122_1.jpgEt c’est parti. Gol nage encore un petit peu plus vite qu’en individuel et passe son record et celui du club sous les 25″ (24″96). Sourire quand je lui apprends. Décidément il réussit tout cette année. Fait chier comme dirait Grams. Ensuite Robin fait le boulot en 26″40. À ses côtés, le très sympathique brasseur du NCAlp38 Yann Rigal, qui était très stressé avant la course, est étonnant: en 25″40 il remonte Robin et les deux équipes sont au coude à coude. Grams fait aussi son job en 26″94, et pour le dernier relais l’USSE et le NCAlp38 partent pile ensemble. Mais là, en forme ou pas en forme, Louis (25″88) ne peut pas lutter contre la fusée Kevin Tonnerre (23″02). Le Neptune Club de France se fait coiffer sur le poteau par Tonnerre, et l’USSE emporte une très belle médaille de bronze !

IMG_6170_1.jpgEt voilà, deux relais médaillés dans les mêmes championnats, c’est-y pas beau ? Et c’est la surprise du chef, car 10 jours avant la compet Louis n’était pas encore certain d’être là. Mais comment va-t-on faire pour faire encore mieux l’an prochain ? S’entraîner plus peut-être !

IMG_6172_1.jpgLe soir, on est tous reçus comme des rois par les Grams au Cala Gogo (ce nom ridicule est celui de leur camping). On met les pieds sous la table et Grams, Carole et ses rugbymen sont aux petits soins. C’est génial et jovial jusque bien après la nuit tombée !!! Tout y passe : la vie, les femmes, Vincent, Corinne, la coulée historique de Jérémy, la verve de président Michel, les blagues graveleuses de Lionel, le sérieux de Johny … etc. Je m’imagine au repas de fin d’album des gaulois d’Astérix, ne manquent que les sangliers.