Les derniers championnats de France des maîtres à Canet-en-Roussillon ont déjà fait l’objet de comptes-rendus sportifs rédigés par Johny. Certains des participants à cette compétition ont souhaité revenir sur ces championnats en en proposant une vision « de l’intérieur », à l’image de ce que font Louis et Florian sur N1nside.fr, d’où le titre de cette série d’articles. Premier nageur à faire partager sa vision personnelle de l’événement : notre champion du monde en titre du 200 pap, Grams, revient sur la première journée de cette compétition.


Ha enfin, voilà : Canet 2016. Je vais pouvoir utiliser à bon escient le mot appris l’an dernier : « assertivité ». C’est pas faute d’avoir tenté de le sortir au boulot, mais jamais sans grand succès.

IMG_4929_1_1.jpgLe 400 4 nages est la première épreuve. Je m’y présente tout léger de stress et de pression, au point de taper la bise à Gol et Olivier, 30 secondes avant de monter sur le plot. Ça a été un peu plus de 5 minutes de nage sous le soleil, avec un plaisir réel en brasse, déconcertant.

IMG_7604_1.jpgMême si je n’ai pas la même poésie que Gol (il vient à l’instant de rappeler que « les poils pubiens sont encore là », preuve visuelle à l’appui), je « l’assertive » en disant que « les viocs sont encore là ». Une première médaille dans le cercle Saint-Égrévois lance la moisson.

IMG_5149_1_1_1.jpgEnsuite, c’est Olivier qui prend la suite des affaires, avec le 50 brasse. Malgré son dos et son épaule en décomposition totale, malgré sa gueule de barbu, malgré sa soirée à surfer sur les boules culinaires d’Oncle Gol … il nous tape un beau 50 brasse, à quelques dixièmes de son record … de très bon augure pour le fameux relais de fin de journée. Ce temps fait mentir le corps médical, qui avait demandé à Olivier de se mettre au repos et de ne pas envisager de nager à Canet. Un médecin peut se tromper, mais peut-on tromper son propre corps ? On peut qu’espérer qu’il ne paye pas trop cher dans quelques semaines cette insouciance assertive ?

Après le barbu, place au bourru. Le 200 NL est programmé juste avant le relais, histoire de prendre la température sur l’état de forme des 2 derniers collègues, Thierry et Gol.

Pour Thierry, dit le chauve, ce 200 NL représente certainement l’objectif de l’année. Il veut sa médaille, point barre. Cela fait 8 ans qu’il nage en pensant qu’un jour lui aussi il aura le droit de la gravir cette putain de marche. N’oubliez pas qu’il vient de loin le mec : … de la rigole de la piscine de Saint-Martin-le-Vinoux pendant les séances nocturnes des adultes. Aujourd’hui, cela doit être sa consécration, point barre, malgré sa douleur aux adducteurs de la semaine dernière, l’ayant perturbé dans sa préparation finale. Le mec, il a changé sa technique de crawl, pas plus tard qu’il y a 15 jours, pour tenir la distance. Ça y est, c’est parti.

IMG_5255_1.jpgUn premier nageur prend le large, bon, la victoire ne sera pas pour lui. Sur le premier 100 m, il contrôle les adversaires, sans trop s’employer physiquement. Le troisième 50, il commence à s’envoler … pour terminer second en battant son record d’une seconde.

IMG_5265_1.jpg2’18″67. C’est pas beau ça … sauf qu’on ne le saura jamais, si de l’intérieur c’était beau, le chauve n’ayant pas forcement manifesté sa joie.

IMG_5407_1.jpgCette médaille lance une question : entre ceux qui sont nés avec quelques bases de natation incluses dans la conception, et celle d’un chauve, qui a appris à nager au club à 40 ans(*), qui n’avait sur le papier aucune chance d’en gagner une un jour, et qui était sur le point d’arrêter la natation l’an dernier, après plusieurs échecs, laquelle est la plus belle ????

Gol nous laisse pas le temps d’y répondre, car c’est à lui de prendre la suite. Il se présente comme à son habitude, épilé et en convalescence d’échec. Il est « mal, sans jambes, moins bien que l’an dernier » : à chier en somme. C’est toujours bon signe, quand il pleure !

IMG_5296_1.jpgSa course est un plaisir à voir, il part comme un malade, possède déjà 2 mètres d’avances au premier 25 sur ces concurrents. Le titre ne peut pas lui échapper. C’est le chrono donc qui va donner ou non une valeur à sa médaille. Il passe en 56″ au 100, ça va être costaud à l’arrivée, sauf si soudainement il est « mal, sans jambes et moins bien que l’an dernier ». Il passe aux 150 assez éreinté, mais toujours dans une nage puissante et tellement efficace. Le dernier 25 m est rude, il commence à patiner, mais touche le mur en 2’00″71.

IMG_5429_1.jpgIl pulvérise son record de 2 secondes, et gagne sa première médaille d’or. Il est donc encore une fois au rendez-vous. Les 3 prochains jours s’annoncent donc magnifiques pour lui. La machine Meurant est lancée. La natation paraît facile à ses cotés. Ce mec est une bête d’entraînement et à l’entraînement. C’est notre Laure Manaudou à tous, il nous a montré la voie et nous derrière, on suit !!! On essaye de prendre ses rails, mais en aucun cas, sa voix !

Nous sommes tous d’accord ! Y a deux ou trois pleureuses dans la ligne d’eau de Saint-Martin-le-Vinoux, mais en fin de compte, on les entend pas beaucoup, elles ont pas forcément le temps de pleurer !!!

Le relais, cette épreuve que l’on attend tous, est devant nous. Avec ces chronos individuels, nous nous présentons confiants. Le but, c’est de ramener une seconde médaille d’argent. La seule pression vient de notre individualisme. En effet, nous sommes dans une obligation de réussite étant donné qu’on a fait entendre à tous ceux qui voulaient rentrer dans ce relais « d’aller se faire foutre ». « On ne touche pas à la composition, même si y a 2 chicanes ». L’assertivité se conjugue à 4. C’est une règle grammaticale !

Donc, nous devons assurer les prises de relais, la prise de risque n’est pas nécessaire, contrairement à l’an dernier. Le moment à la chambre d’appel est assez décontract et serein. Gol fait le job en dos, bien évidemment il améliore son record (29″08) et lance Olivier avec le premier temps. Olivier est tout surpris de ne pas se faire dépasser par le champion d’Europe seniors de 2005 (S. Perrot). Il réalise un temps canon, meilleur que celui de cet après-midi et plus rapide que l’an dernier. C’est notre Fabien Gilot à nous. Un paquebot en individuel(**) et une torpille en relais. Va savoir ce qui le transcende, lui chez qui le social n’est pas naturel. Quoi qu’il en soit, il me donne le relais en touchant en même temps que l’équipe de Perrot. Je plonge, j’ondule (en tout cas j’essaye) et mouline. Je vois mon voisin de ligne voler sur l’eau (cette année, c’est à moi de prendre une claque). La première place est donc définitivement perdue, je donne le relais à Thierry pour qu’il termine le job, en crawl. Il donne le max, fait comme il peut, étant donné qu’il a orienté sa nage vers des distances d’endurance.

IMG_5383_1.jpgOn touche second de l’épreuve, en améliorant de quelques centièmes notre record de l’an dernier. La joie est peut être moins profonde, mais le plaisir est réel : de l’assertivité à l’état pur, gratuite, simple, spontanée et surtout brève. Faut pas qu’on se perde la dedans, nous 4, car d’ordinaire, c’est pas notre fort.

Le soir venu, le barbu, le bourru et l’épilé s’invitent au bungalow du nain pour prolonger en compagnie de Carole (compagne du myope) et de leurs gamins l’ambiance estivale et conviviale, avant de rejoindre l’appart prêté par le père de François.

(*) Et voilà, on raconte alors qu’on ne sait pas… Puisqu’on ne me demande pas de raconter ma vie, je le fais. Disons plutôt qu’après un parcours discontinu dans ma jeunesse, dont 3 saisons chez les Dauphins d’Annecy, suivi d’une vingtaine d’années passées sans nager, j’ai ré-appris à nager à 40 ans après avoir effectivement fréquenté quelques années les groupes « adultes » du soir. Ce entre autres sous la direction de Grams, et d’un autre entraîneur qui m’avait promis une carrière de brasseur en maîtres … prémonition à laquelle je crois toujours envers et contre tout :-/

(**) Grams, le savais-tu ? l’un de mes entraîneurs en TC m’appelait « le porte-avions » 🙂 — O.