Le récit de la deuxième journée des championnats de France des Maîtres à Chalon-sur-Saône. Au programme : du demi-fond, une nouvelle manière de prendre un départ en dos, trois médailles, un record de France, le plus beau trophée jamais remis à un nageur et le barbecue de tous les dangers.
La délégation de l’USSE est au complet au démarrage de cette deuxième journée des championnats de France. Comme la veille et pour optimiser les déplacements (et la récupération des vieux), le départ vers Chalon sera échelonné. La première voiture emmènera ceux qui désirent profiter de l’échauffement du matin (de 7 à 8 !) dans le bassin de compétition, les autres pourront profiter d’un peu de répit et d’un départ un peu plus tardif.
La première épreuve de la journée est le 1500 m NL dames, dont Corinne prendra le départ. Même si Coco s’est également engagée sur 50 NL et 50 pap “pour s’occuper”, c’est ce 1500 qui constitue son véritable objectif du week-end. Le premier 100 m est lancé en 1’36 puis Coco stabilise son allure pour tourner autour de 1’42 de moyenne, construisant ainsi une course très régulière. Une accélération placée dans les 100 derniers mètres lui permet de terminer en 25’28”71, ce qui lui vaut une belle 7ème place.
L’épreuve qui suit le 1500 est le 400 NL messieurs. Thierry prend le départ de la première de ses quatre épreuves de nage libre du week-end. Le premier 100 est bouclé en 1’12 ; la nage est techniquement très propre mais le rythme semble trop peu soutenu compte tenu des capacités de Thierry, dont les sensations à l’échauffement ne le satisfaisaient pas vraiment. Les deuxième et troisième 100 sont ainsi bouclés en 1’19 avant que Thierry n’accélère pour terminer en 5’06”01, nouveau record personnel et 7ème place de la catégorie C5 à la clé. Un résultat très positif, qui aurait certainement pu être encore meilleur si Thierry avait moins douté de ses capacités à mener une course plus enlevée.
Trois séries plus tard, c’est Grams qui monte sur le plot ; ses chances de bien figurer dans ce 400 sont réelles puisqu’il est engagé avec le troisième meilleur temps de la catégorie C4. Le titulaire du record du club du 400 (4’11”37 !) prend un départ tambour battant et passe aux 100 en 1’05”17. Grams maintient un rythme soutenu en bouclant ses deuxième et troisième 100 en 1’09 et 1’10, passant aux 300 avec quasiment une seconde d’avance sur son plus proche poursuivant. La fin de course est toutefois très serrée et l’arrivée se joue à la touche : Grams ne cède la seconde place que de 9 centièmes et décroche le bronze en 4’33”62. Il exprime sa déception de ne pas avoir nagé 4’30 ». C’est tout de même une très belle perf et une belle récompense pour un Grams qui revient inexorablement vers son meilleur niveau. Une prestation de très bon augure avant ses véritables objectifs de la compétition : le papillon, dont le 100 sera couru dimanche et le 200 l’après-midi même.
Après le demi-fond, c’est le 50 dos qui est au programme. Le seul adepte de la discipline est Michel. Notre président est intarissable depuis son arrivée la veille au soir et son excitation devant les perfs de ses protégés ne fait que croître. On risque d’avoir du mal à le maîtriser si les bons résultats se poursuivent. Équipé de son shorty flambant neuf, il se met à l’eau pour le départ de son 50. C’est à ce moment-là que l’incroyable se produit : défiant toutes les lois de la physique, Michel prend un extraordinaire départ vrillé qui révolutionnera l’enseignement du dos dans toutes les écoles de natation. Aucunement arrêté par cette figure libre, qui lui assurera quoi qu’il arrive une excellente note artistique, Michel sort de sa coulée (sur le dos) pour exécuter un 50 tout en puissance, même si on peut déplorer une légère tendance à dévier sur sa gauche (on ne se refait pas, surtout en C7). Au final et en dépit d’une ligne d’eau frôlée à quelques mètres de l’arrivée, Michel touche la plaque en 37”80 (nouveau RP, 7ème place) et améliore son temps de près d’une seconde et demie par rapport à sa dernière prestation sur la distance, à Saint-Martin-d’Hères fin mai dernier. Comme quoi l’innovation ça a du bon, même en dos.
On retrouve à l’occasion de ces championnats d’anciens Saint-Égrévois. Fred Coinçon, qui évolue désormais pour Aix-les-Bains, est en train de s’échauffer dans le bassin d’entraînement. En dépit d’un emploi du temps personnel très chargé, Fred s’alignera sur 100 et 200 brasse C4, épreuves pour lesquelles il a de bonnes chances d’accéder au podium.
Une fois la pause de la mi-journée terminée, le programme reprend avec le 200 4 nages. C’est Michel qui prend le premier le départ pour l’USSE. Ne pouvant cette fois-ci nous gratifier d’un départ créatif en dos, Michel, engagé au temps limite, construit une course intéressante en passant en un gros 1’30 aux 100 mètres. Un parcours de brasse prudent lui permet de relancer en crawl (41”17) et Michel termine sa course avec un convaincant 3’06”31. Cette première marque en grand bain d’un très bon niveau (Michel avait nagé en 3’07 en petit bain quinze jours plus tôt) lui vaut une belle 6ème place. De quoi le satisfaire avant de remettre sa casquette de président pour la suite des courses de ses troupes !
Le deuxième nageur saint-égrévois à s’aligner sur le 200 4 nages est Vincent. Fort de son expérience des compétitions internationales, Vincent sait désormais se maîtriser et contrôle de mieux en mieux sa manière d’appréhender une course. Ce n’est plus en effet la veille mais seulement une grosse demi-journée avant sa course qu’il commence à demander à la ronde « mais qu’est-ce que je fous là ?« . Il n’y a plus ensuite qu’à regarder Vincent tenter d’inventer des exercices d’échauffement tous plus originaux les uns que les autres, puis se liquéfier progressivement à mesure qu’approche l’heure de sa série … avant de tenter de l’accompagner jusqu’à la chambre d’appel afin de lui prodiguer d’ultimes conseils.
Une fois sur la plage de départ et sous les acclamations de la foule, Vincent redevient la machine de guerre qu’il est tous les midis dans la ligne d’eau. Dès le départ donné, il pose sa nage en pap (37″50) puis parvient à éviter le piège de la longueur de bassin en dos sans repère, le toit rétractable de la piscine étant ouvert (48″40). Le parcours en brasse aurait peut-être gagné à être un poil plus saignant (47″74) mais une bonne dernière longueur en crawl en 39″29 lui permet de boucler son 200 en 2’53″21. Ce très honorable chrono, qui approche de moins d’une seconde son record personnel de 2009 nagé en combinaison, lui permet de décrocher une 14ème place en C5 et lui inspire un commentaire dont l’acuité technique ne nous déçoit pas : « mouais meh bof« .
C’est enfin le moment que tout le monde attend : le 200 pap. On sait qu’Olivier M et Grams ont de fortes chances d’accéder au podium, voire de réaliser des chronos de niveau national. C’est Grams qui le premier va monter sur le plot, série 7. Les temps d’engagement peuvent laisser espérer une première place pour Grams et le record de France C4 grand bain, un gros 2’18, semble à sa portée. On sait qu’après une phase un peu délicate à l’entraînement, Grams a retrouvé du mordant et semble dans une phase ascendante, comme son 400 du matin l’a démontré.
Dès la première longueur, Grams tue la course en virant aux 50 en 29″85, près de deux secondes plus vite que son concurrent immédiat. Son seul adversaire sera donc le chronomètre : Grams est dans les temps en passant aux 100 mètres en 1’04″97. La nage est déliée, la maîtrise technique est remarquable. Grams peut alors exprimer toute sa maîtrise de la course dans le second 100 mètres, expédié avec une remarquable régularité (36″12 et 36″21). À l’arrivée, le tableau électronique affiche 2’17″30, nouveau record de France. Le pari est réussi : Grams peut exulter. C’est une brillante réussite, qui récompense les efforts consentis à l’entraînement dans l’eau et en musculation. Il est impressionnant de voir que Grams, deux ans après son retour dans les bassins, se rapproche petit à petit de son meilleur niveau. Ceci est extrêmement prometteur pour l’échéance majeure que Grams s’est fixée pour cette année : les championnats du Monde des maîtres à Kazan, où Grams sera assurément un concurrent redoutable.
La voie est toute tracée pour notre second concurrent saint-égrévois. Grams laisse la ligne 5 à Olivier M, qui concourt pour le titre dans la catégorie C3, avec toutefois un obstacle de taille à surmonter : Loïc Leroy s’alignera à nouveau contre lui, avec un temps d’engagement qui semble hors de portée (2’08″80 contre 2’14″81 pour Olivier). Les derniers chronos d’Olivier en grand bain à Annemasse n’étaient pas transcendants. Les plaintes et les jérémiades à l’entraînement faisaient-elles parties du décor, ou Olivier n’est-il pas vraiment au top ? Les impressions des derniers jours sont plutôt bonnes, et la réponse va être donnée dans le bassin.
Olivier prend un départ tout en glisse, dans la vague de son adversaire, et passe aux 50 dans son sillage immédiat avec une trentaine de centièmes de retard. L’écart se creuse dans la deuxième longueur, dans laquelle Loïc Leroy prend le contrôle de la course. Le passage aux 100 mètres est à l’avantage du nageur de Martigues avec une seconde et demie d’avance. L’affaire se corse d’autant plus qu’Olivier cède encore du terrain dans la troisième longueur, avant que Loïc Leroy ne place une accélération dévastatrice à l’entrée de la quatrième longueur, s’assurant ainsi la victoire. Olivier livre tout de même une très belle fin de course et touche en 2’13″93. C’est un superbe résultat pour Olivier, qui ne pouvait l’emporter aujourd’hui mais qui a livré une prestation de très haut niveau. C’est aussi une belle récompense, Olivier n’ayant pas ménagé ses efforts à l’entraînement pendant une bonne partie de l’année. Les allusions à un arrêt de la compétition en 2016 ont disparu et on ne va certainement pas s’en plaindre !
Il est temps de se diriger vers le podium pour assister à la remise des récompenses du 200. Michel, qui envoie une centaine de SMS à la minute pour informer l’ensemble de son entourage de ces perfs « énormes« , veille auprès du speaker à ce que le nom de Saint-Égrève soit correctement prononcé.
On peut maintenant savourer ces médailles bien méritées !
Le programme de la journée n’est toutefois pas terminé puisqu’il reste le 100 brasse. Le seul concurrent saint-égrévois est malheureusement d’un tout autre calibre puisque c’est Olivier R qui défendra les couleurs de l’USSE. Pas de médaille à espérer bien évidemment, juste l’objectif de passer sous 1’20 en grand bain. Après un départ dont il détient (malheureusement) le secret, il dévoile sa stratégie de course, d’une grande subtilité : partir vite et exploser le plus tard possible. Le premier volet du contrat est rempli avec un passage en 36″59, à quelques centièmes du temps de passage de son record. La seconde partie est quant à elle brillamment exécutée avec une magnifique montée en lactique dès le début de la seconde longueur. La fin de course est pathétique et c’est en perdant beaucoup d’huile qu’Olivier touche la plaque en … 1’20″03. Olivier rit jaune à la lecture du chrono mais se satisfait bien vite de ce nouveau RP (car « il ne faut jamais cracher …« ). Pour quelques centièmes, il faudra donc attendre 2016 pour retenter sa chance d’aller voir 1’19. Mais tout n’est peut-être pas perdu, dans la mesure où cette (absence de) stratégie pourrait bien servir de leçon pour le 200 du lendemain …
Dans la série suivante, la « finale » de la catégorie C4, Fred Coinçon est en piste pour Aix-les-Bains. Après un passage en 34″58 aux 50, l’ex-Saint-Égrévois jette toutes ses forces dans la bataille pour rester dans la vague des concurrents de tête. Le temps final est impressionnant : 1’12″96, nouveau RP. L’objectif chronométrique est brillamment rempli, surtout compte tenu des conditions dans lesquelles il a pu s’entraîner (ou pas) cette année, mais la troisième place lui échappe pour 25 centièmes. Pas de quoi être satisfait pour le compétiteur qu’est Fred, qui laisse éclater sa colère à la sortie du bassin.
On peut désormais rentrer au gîte pour profiter d’une belle soirée en extérieur et d’un barbecue attendu avec beaucoup d’impatience.
Mais aussitôt l’apéritif sorti, c’est une petite cérémonie qui attend Olivier M. Désigné nageur de l’année 2014 à l’USSE suite à ses performances de Millau (5 médailles en 5 courses, dont deux titres), c’est Michel himself qui prononce un petit discours et remet à Olivier un magnifique trophée, qui va faire l’envie de toute la natation française. Il nous tarde de découvrir l’œuvre d’art qui sera remise à Grams en 2016.
Des bières bien fraîches sont distribuées et Vincent est désigné chef grilladin pour la soirée. Mais catastrophe ! pour allumer le barbecue, Vincent s’empare de l’Équipe qu’avait acheté Michel. Le temps de réaliser l’ampleur du drame, il est trop tard. On frôle l’incident diplomatique, et il faut gérer la montée en pression de Michel qui, « en 57 ans, n’a jamais allumé un feu avec le journal du jour » (en plus la natation figure parmi les pages qui ont été brûlées !).
Cette scène est une reconstitution. Aucun journal n’a été maltraité pour prendre cette photo.
Les choses rentrent rapidement dans l’ordre et on peut profiter d’une excellente soirée entre amis en dégustant pistaches, chips, saucisses, poulet grillé, gâteaux et M&M’s. Un menu hautement diététique qui promet de grosses perfs pour le lendemain, avec au programme le 200 brasse, le 100 NL et un relais 4 nages qui est attendu avec une impatience croissante …
La citation du jour : vendredi 26 juin
« Tu ne devrais pas rester trop longtemps les jambes en l’air avant ta course. Le sang va te monter au cerveau et tu risques d’avoir une bonne idée » (Vincent à Olivier M avant son 200 pap)
Commentaires récents