Les récents championnats de France à Strasbourg ont mis en lumière une évolution du sprint Français. Profitons de l’occasion pour faire le point sur les cadors de « l’épreuve reine », le 100m nage libre.


Il est difficile de le faire « de loin » sans suivre les nageurs sur toutes leurs compétitions, connaître les avis de leurs entraîneurs etc … et mieux connaître le sujet que votre serviteur ! Cependant, même si cela est sûrement très réducteur, on peut s’amuser à regarder les meilleurs chronos annuels de la douzaine de nageurs français les plus rapides sur les dernières années. On s’aperçoit qu’on peut les regrouper en trois catégories.

Les cadors en difficulté:

Ci-dessous on voit l’évolution des performances de 2006 à ce jour pour 5 nageurs. Ici et dans les graphiques suivants Fabien Gilot (rouge), le plus rapide actuellement, sert de référence.

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On voit que tous ces nageurs ont effectué leur meilleur chrono en 2008 ou 2009 et que depuis les performances sont moins bonnes. La faute à l’interdiction des combinaisons certes, mais tous ne sont pas logés à la même enseigne. Si Gilot a assez peu perdu chronométriquement, ça n’est pas le cas d’Alain Bernard (orange) qui reste certes l’un des meilleurs , mais a perdu presque deux secondes ! Il déclarait d’ailleurs récemment lui même être dans une passe difficile : « Ce n’est pas dû au travail à l’entraînement, à mon investissement ou à une carence quelconque. C’est tout simplement qu’à l’intérieur de moi c’est mal rangé, c’est le bordel depuis deux, trois ans». Les performances d’Amaury Leveaux (bleu) semblent souffrir de ses récents changements d’entraîneur, et pour cette année d’une bronchite qui l’aurait handicapé aux championnats de France, dont il est quasiment revenu bredouille. Son entraineur (actuel) Philippe Lucas n’était pas tendre avec lui récemment: «Dans l’eau, il a des qualités mais pour gagner, il faut tout mettre en œuvre dans sa vie. Plus personne ne croit en lui. A 100% de ses moyens, il peut déranger sur 100 et 200m. Là, il ne nage plus ». Boris Steimetz (noir) ne semble pas en mesure de prendre les premières places (mais il se classe mieux sur 50m). Quant à Fred Bousquet il est plutôt en forme et ses résultats moyens sur 100m NL s’expliquent probablement plus par son choix de privilégier le 50m.

Les nouveaux cadors :

Changement de ton avec ce groupe de trois nageurs dont la progression est impressionnante.

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Tout le monde a remarqué Yannick Agnel (vert) dont la progression régulière l’a très rapidement amené au meilleur niveau. Pas d’effet combinaison chez lui puisqu’il n’en portait pas ! Tout aussi impressionnante est la progression de Jérémy Stravius (noir) dont la courbe de progression ne montre pas encore de saturation et qui est également au meilleur niveau en dos. Quand à William Meynard, d’aucuns avaient expliqué sa progression très rapide et ses performances de 2008 et 2009 par les combinaisons mais force est de constater qu’il a largement confirmé sans combinaison, quasiment à l’égal de Gilot.

Les futurs cadors ?

Mehdi Metella (vert), le frère de Malia, et Rosy Pelagie (noir, Canet 66 Natation) se sont approchés du meilleur niveau les dernières années, mais leurs performances sur 100m semblent saturer à un niveau qui ne leur permet pas de ‘taquiner’ les meilleurs. La progression de Romain Magula (bleu, CN Marseille) est par contre des plus prometteuses. Inconnu des non spécialistes jusqu’à cette année, il s’est qualifié en finale A du 100m à Strasbourg et semble destiné à rejoindre les meilleurs très prochainement. C’est probablement lui le futur cador du 100m (et pas seulement, il a également été 6ième des 50m nage libre et papillon à Strasbourg).

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On le voit, la grande époque des Bernard-Bousquet-Leveaux-Gilot n’aura probablement pas été qu’un court épisode, la relève est déjà en marche et le sprint (masculin) Français devrait rester au meilleur niveau mondial pour encore un certain nombre d’années. C’est une période unique dans l’histoire de la natation française !
Cependant certains s’en inquiètent, comme Fabrice Pellerin, l’entraîneur de Yannick Agnel : « Ce qu’il se passe va se payer très cher. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, plus le 100m va être dense, plus notre natation risque de s’affaiblir. Si on est aveuglé par ce 100m, on va vers la catastrophe à l’approche des Jeux et après les Jeux. Il y a une désertification sur les autres épreuves. Il faudra six à huit ans pour rattraper ça » .